- endêver
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⇒ENDÊVER, verbe intrans.Vieilli ou fam. Éprouver un violent dépit jusqu'à être comme hors de soi; éprouver une vive contrariété. Je me plantais devant eux [des compagnons] et ne bronchais pas afin qu'ils endêvent (ARNOUX, Rhône, 1944, p. 255).♦ [Avec expression de la cause par un compl. circ. prép. de] Il endêvait de cela (MOLARD, Mauv. lang. corr., 1810, p. 110).— Constr. factitive. Faire endêver qqn; faire endêver ses père et mère, sa nourrice. Faut pas m'raser avec ma jambe; elle m'a assez fait endêver! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 147) :• Par représailles, je cachais la boîte à ouvrage de Justine dans le four de la cuisine et je m'étudiais à faire « endêver » cette simple créature.FRANCE, Le Petit Pierre, 1918, p. 234.Rem. Comme le montrent l'ex. supra et BENJAMIN, loc. cit., dans la constr. factitive, c'est le suj. du syntagme, qui exprime la cause (pers. ou chose).Prononc. et Orth. :[
] ou, p. harmonis. vocalique malgré l'accent circonflexe, [
]; (j')endêve [
]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 2e moitié XIIIe s. anderver (Geste des Lorrains, Gerbert de Metz, fragment des Archives de la Marne, 192, éd. Bonnardot ds Archives des missions scientifiques et litt., 3e série, t. 1, p. 201); fin XIIIe s. part. passé endeveis (Chanson de pure pauvreté, 41, éd. P. Meyer ds B. de la Société des anc. textes, 1884, p. 78); 1680 faire endéver (RICH.). Dér. de l'a. fr. desver, derver « devenir fou, enrager » attesté dep. le Xe s. (part. passé desvez « fous », Alexis, éd. Ch. Storey, 617; derver, ca 1170, MAURICE DE SULLY, Homélies d'apr. FEW t. 10, p. 186a) et que la plupart des étymologistes s'accordent à rattacher à l'a. fr. resver (v. rêver) sans que le problème de l'orig. des deux formes resver et desver ait été résolu de façon décisive (cf. notamment EWFS2 pour la BBG). L'hyp. la plus vraisemblable, bien que manquant de preuves philologiques suffisantes, est celle d'une formation à partir du lat. vagus « vagabond, errant » à partir duquel on suppose le dér. evagus renforcé en exvagus en lat. pop. et parallèle au verbe correspondant exvagare postulé par l'a. fr. esvaiier « errer » (attesté ds T.-L., s.v.) (J. Jud ds Romania t. 62, pp. 145-157; cf. aussi FEW t. 10, pp. 184-187); à partir de exvagus est supposée une série esvo adj., esvé part. passé, et esver verbe (refaits sur le type esvo parallèlement aux formes régulièrement issues de exvagare) dont desver et resver représenteraient les formes préfixées. Pour J. Jud, la forme derver ne serait qu'une var. dial. de desver (cf. varlet et merler pour vaslet et mesler) comme semble le confirmer la localisation dans les dial. mod. de enderver et endêver. Fréq. abs. littér. :10. Bbg. ALESSIO (G.). Saggio di etimologie francesi. R. Ling. rom. 1950, t. 17, pp. 174-175.
endêver [ɑ̃deve] v. intr.ÉTYM. XIIe, enderver, endesver; de en-, et anc. franç. desver « être fou », d'origine incertaine, peut-être apparenté à resver « rêver ».❖♦ Vx ou régional (fam.). Avoir un violent dépit (de qqch.). ⇒ Rager. || Il endêve de voir les succès de son rival. || Faire endêver quelqu'un. ⇒ Enrager (faire), fâcher, tourmenter.1 (…) la bonne servante Perrine, qui était si bonne fille et que les enfants de chœur faisaient tant endêver (…)Rousseau, les Confessions, III.2 Cependant, la bonne créature (…) rappelait en souriant mes espiègleries; disait combien je la faisais endêver soit en cachant ses balais, soit en mettant des poids très lourds dans son panier quand elle s'apprêtait pour aller au marché.France, le Petit Pierre, XXX, p. 216.REM. L'adj. endêvé « endiablé, enragé » ne peut être considéré comme le p. p. du verbe, qui est intransitif. — La documentation atteste le p. prés. et adj. endévant : || « Qu'il est endévant de n'oser pas dire tout ce qu'on pense… » (Jacquot et Colas duellistes, 15 [Cailleau], 1783, in D. D. L.).
Encyclopédie Universelle. 2012.